Regarder la pauvreté en face : l’histoire de Lorenz

Regarder la pauvreté en face : l’histoire de Lorenz

Je ne le rencontre qu’en montant dans sa voiture. Une fois le coffre chargé, nous nous empressons de nous asseoir dans le véhicule et Lorenz, le conducteur d’une trentaine d’années environ, part aussitôt. 

Nous sommes en décembre 2021 à Tirana. Je fais partie d’une délégation de GAiN Suisse venue participer à des distributions de vivre organisées par l’équipe de GAiN Albanie, créée il y a quelques mois. Cette distribution, organisée par une église, est effectuée principalement par des étudiants bénévoles. On m’a proposé d’accompagner un groupe conduit par Lorenz. Tout le groupe est venu par une jeune femme qui a vu l’action sur facebook et a invité des amis à s’y inscrire. Ils ne connaissent ni l’église organisatrice, ni GAiN. 

Pensant qu’on lui a donné une liste d’adresses à qui livrer les sacs de vivres, je m’étonne de voir Lorenz conduire de façon confiante dans le trafic de Tirana, sans que personne ne le guide. À un feu rouge, voyant un homme mendier, il lui tend quelques pièces. Ici, pas de questionnement : on sait que les gens qui mendient n’ont pas d’autre solution.

En arrivant chez la première famille, Lorenz se parque devant la porte métallique derrière laquelle se cache un logement. Personne ne vient, il crie pour appeler l’habitant. Celui-ci ne semble pas vouloir s’approcher : il lance la clé à Lorenz par-dessus le portail, qui entre déposer les sacs. Nous n’osons pas entrer, mais entrevoyons une habitation à l’apparence vétuste, devant laquelle s’accumulent des détritus. Trier les déchets recyclables et les revendre est ici un petit complément de revenu pour les personnes modestes.

Surprise de la familiarité et de l’aplomb de Lorenz face aux personnes que nous visitons, je découvre la réalité au fur et à mesure de mes questions.

Lorenz habite dans le quartier et connaît les familles dans le besoin que nous visitons : c’est lui qui les a annoncées pour la distribution. Chez une autre famille qui nous laisse entrer, il pose une ou deux questions à la fillette qui se tient, un peu timide, à l’autre bout de la pièce : celle-ci fait partie de la même école que son fils. Une membre du groupe m’explique qu’il soutient pratiquement les familles que nous visitons, par exemple en les aidant à réparer leur logement lorsque le toit n’est pas étanche. 

Je réfléchis à ma propre réaction si j’étais ce jeune homme. En ayant juste ce qu’il faut pour moi-même, aurais-je le courage d’entretenir des relations avec des familles qui vivent dans des conditions presque inhumaines, sans réelle perspective d’amélioration ? Je lui demande sa motivation. « J’ai vécu en Grèce, où j’ai profité de meilleures conditions de vie qu’ici. Je sais que ce que vivent ces personnes est une injustice, et c’est pour ça que je les soutiens. »

Je termine cette distribution profondément émue, non seulement par les familles aux conditions modestes que nous avons rencontrées, mais par les personnes comme Lorenz qui se tiennent à leurs côtés, avec les moyens qu’elles ont.

[De gauche à droite sur la photo : Elisa, Naze, Serena et Lorenz – le groupe de bénévoles de la distribution.]

Votre soutien pour nos projets en Albanie est très précieux. Il permet de soutenir des familles comme celles-ci, victimes du haut taux de chômage et des bas salaires, avec des colis de denrées essentielles. Pour mieux comprendre la situation sur place, vous pouvez également participer à notre voyage en décembre, pendant lequel nous soutiendrons nos partenaires locaux lors de distributions de vivres avant Noël. Informations et inscriptions ici.